Ce
tableau, peint à Delft
vers 1669-1670, et entré au Louvre en 1870, était
considéré par Renoir comme étant le
plus beau tableau du monde, avec le Pèlerinage
à l'île de Cythère de Watteau (également au Louvre).
Ce
tableau montre l'intérêt que portait Vermeer
pour les objets familiers de la vie, l'univers quotidien
qui le fascinait. On retrouve plusieurs objets du décor
quotidien (meubles, tapis) dans d'autres tableaux de Vermeer.
Mis
à part cette fascination de l'artiste pour l'intimité
de l'univers quotidien, sa peinture frappe l'esprit par
sa précision et par sa faculté à reproduire
dans ses oeuvres les déformations optiques naturelles que
subit la vision de l'homme.
Le
sentiment d'intimité est renforcé par le fait
qu'il s'agit du plus petit format peint par Vermeer.
On
pense généralement que le livre que l'on voit
sur la table de travail est une bible, et l'on donne une
interprétation morale et religieuse du tableau. C'est oublier
que la Flandre de cette éoque est le lieu privilégié
de la liberté de penser.
On
peut donc tout aussi bien donner une autre interprétation
: celle d'une jeune femme cultivée de son temps,
qui a des occupations éclectiques, lecture, broderie...
Il
faut noter que les puritains de l'époque, hommes
et femmes, étaient habillés de noir, et portaient
un col blanc. Ce qui n'est pas le cas de la dentelière.
On
ne trouve pas beaucoup de scènes religieuses dans
les tableaux de Vermeer, mmise à part St
Praxedis en 1655 et l'allégorie
de la Foi, qui marque la période noire de Vermeer.
Par
contre les arts sont bien représentés (joueuse
de luth, de clavecin, de guitare, de flûte, la leçon
de musique), les sciences (l'astronome, le géographe)
et les plaisirs de la vie (la femme au verre de vin...).
Vermmeer
n'est donc pas le peintre de la dévotion, mais de
la modernité de son époque.
Il
eut une vie sans soucis matériels, jusqu'à
l'invasion de la Flandre par Louis XIV en 1672.
Sur
le tableau, le sujet central qui focalise l'oeil, ce sont
les mains et l'ouvrage qui sont représentés
de façon très nette, de telle sorte que l'on
voit le fil blanc tendu entre ses mains, les bobines dans
la main gauche.
On
s'aperçoit que les fils sortant de la boite à
broder sont flous alors qu'ils se trouvent au premier plan.
Ceci fait penser que Vermeer utilisa une camera
obscura pour observer la scène.
Mais
le plus curieux encore est que le regard de la dentelière
n'est pas fixé sur la partie de l'ouvrage qu'elle
est en train de broder.
Est-elle
simplement plongée dans quelque méditation
que lui aurait inspiré une précédente
lecture ? On ne peut s'empêche de penser à
une Arcane du Tarot : le Bateleur.
Celui-ci,
debout devant une table, a devant lui des éléments
qu'il doit manipuler. Or, il le fait en regardant ailleurs,
signe de sa maitrise (ou de son manque d'attention si la
carte est mal entourée). Et si cette maîtrise
n'était pas tout simplement celle du peintre lui-même
arrivé au sommum de son art ?
Que dire de la nappe, peinte de petits points de couleur
pure, n'annonce t-elle pas une révolution picturale
qui mettra deux siècles à voir le jour ?